
Auteur-compositeur talentueux, avez-vous déjà été tenté de faire des adaptations musicales de chansons françaises, qui jouent à cet instant à la radio locale, dans un lieu exotique?
Et bien, si vous avez déjà contemplé cette option d’adaptations musicales de chansons françaises, je suggère que vous y pensiez à deux fois et que vous vous prépariez à faire des pieds et des mains pour rendre ces adaptation musicales et ces arrangements de chansons françaises une expérience financièrement gratifiante et réussie.
1. Différences entre adaptations musicales de chansons françaises, arrangements musicaux et ‟sampling”
Pour clarifier, les adaptations musicales sont relatives aux paroles et au texte d’une chanson (c’est à dire une adaptation littéraire), alors que les arrangements musicaux sont relatifs aux changements faits à la partition musicale, aux rythmes et à la musique. ‟Est qualifié d’arrangement la transformation d’une oeuvre musicale; avec ou sans paroles, grâce à l’addition d’une contribution musicale qui est une création intellectuelle”, selon les statuts de la société française de collection des droits d’auteurs la SACEM [1]. Par exemple, une des chansons les plus adaptées et traduites, est ‟Comme d’habitude”, écrite et composée par Claude François, qui est devenu le méga hit ‟My way” en anglais.
Une adaptation et un arrangement doivent être distingués du ‟sampling” qui, en musique, est l’acte de prendre une portion, ou un ‟sample”, d’un enregistrement sonore et de le réutiliser comme un instrument, ou un enregistrement sonore, dans une chanson ou une œuvre différente. Par exemple, le ‟sampling” est la technique qui a entraîné le ‟groove” de Barry White, ‟It’s ectasy when you lay down next to me” au sommet du ‟hit parade” en tant que partie de la chanson ‟Rock DJ” de Robbie Williams [2].
2. Gérer le juridique avant la création de l’œuvre musicale dérivée
Pour en revenir aux adaptations musicales et arrangements musicaux, je suggère que, avant que vous ne vous lanciez dans des heures et des jours de travail, pour traduire, puis adapter, les paroles d’une chanson étrangère, et arranger une superbe partition musicale pour votre nouvelle adaptation, vous ayez d’abord couvert tous les aspects juridiques.
En particulier, il convient de se rapprocher de tous les ayants-droits de la chanson que vous souhaitez adapter et arranger (c’est à dire l’œuvre primaire) et obtenir le consentement écrit préalable à la création de l’œuvre dérivée, c’est à dire les adaptations musicales et les arrangements musicaux de l’œuvre primaire.
Afin d’atteindre cet objectif, il faut que vous contactiez:
- l’auteur-compositeur de la chanson primaire, qui détient le droit moral et, parfois, une partie des droits d’auteur, en fonction de l’accord qu’il a passé avec son éditeur musical;
- l’éditeur musical, qui est d’habitude le propriétaire exclusif des droits d’auteur sur la chanson primaire, qui ont été assignés par l’auteur-compositeur original à l’éditeur musical, dans le cadre de l’accord auteur-compositeur/éditeur, et
- dans le cas où vous avez l’intention d’utiliser l’enregistrement original (c’est à dire le ‟Master”) sur lequel était enregistré la chanson primaire de l’auteur-compositeur interprète original, la maison de disques (aussi appellé label musical) qui est propriétaire du Master primaire.
Obtenir l’autorisation de tous les ayants-droits sur la chanson primaire, pour l’utilisation de cette chanson dans le cadre de la création de nouveaux arrangements musicaux et adaptations musicales, peut être un processus long, parfois même carrément une mission impossible. Alors que des désaccords sur le type d’adaptations créatives peuvent se former, une des difficultés majeures auxquelles vous allez probablement être confronté, durant les négociations avec l’auteur-compositeur original et son éditeur, sera centrée sur le partage des droits relatifs à l’œuvre dérivée.
3. Partage des droits et autres maux de tête juridiques
En effet, conformément aux dispositions de l’article L 112-3 du Code de la propriété intellectuelle français (le ‟CPI”), ‟les auteurs de traductions, adaptations, transformations et arrangements d’œuvres créatives bénéficient de la protection apportée par le CPI, sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale”. Cela signifie que les ayants-droits de l’œuvre primaire auront aussi des droits sur une œuvre créative dérivée de leur œuvre originale, c’est à dire une traduction, adaptation et/ou un arrangement de la chanson originale.
Il semblerait qu’il y ait des différences importantes, entre pays, sur ce que l’expression ‟partage équilibré des droits”, entre les ayants-droits de l’œuvre primaire et les ayants-droits de l’adaptation et de l’arrangement, signifie.
Alors que je comprends qu’il est usuel, au Japon, pour les adaptateurs-arrangeurs d’obtenir 50 pour cent de droits sur les chansons qu’ils ont adaptées et arrangées; la pratique commune, en France est … un pourcentage de 10 pour cent pour l’adaptateur-arrangeur, alors que les 90 pour cent restants vont à l’éditeur de l’auteur-compositeur original [3].
Cette différence impressionnante amène à se poser la question évidente suivante: quelle est la motivation d’un auteur-compositeur d’adapter et d’arranger des chansons françaises, enregistrées à la SACEM, s’il n’obtiendra que 10 pour cent des droits sur toute œuvre nouvelle issue de ces arrangement musicaux et de ces adaptations musicales de chansons françaises?
Pendant que vous y réfléchissez, je souhaite soulever un autre point: sur quels droits un adaptateur-arrangeur d’une chanson française recevrait-il une part de 10 pour cent?
La réponse est mentionnée dans les statuts de la SACEM.
Les droits d’exécution publique (c’est à dire les droits provenant de concerts et autres performances publiques) sont statutaires, ce qui signifie que leur partage est prévu par les statuts de la SACEM et ne peut être modifié par les parties.
Conformément aux dispositions des articles 66 et 70 des statuts de la SACEM, l’adaptateur de l’œuvre originale et éditée, contenant de la musique et des paroles, recevra 2/12 des droits d’exécution publique, alors que l’arrangeur de cette même œuvre originale et éditée, contenant de la musique et des paroles, recevra 1/12.
Les droits de reproduction mécanique sur les droits d’exécution publique (aussi appelés droits mécaniques complémentaires, et provenant de la diffusion télévisuelle, radiophonique, ainsi que de la diffusion sur les sites internet tels que Dailymotion, YouTube et Vimeo) sont aussi statutaires et réglementés par les statuts de la SACEM.
Selon l’article 76 des statuts de la SACEM, l’adaptateur de l’œuvre originale et éditée, contenant de la musique et des paroles, recevra 12,50 pour cent des droits mécaniques sur les droits d’exécution publique, alors que l’arrangeur de la même œuvre originale et éditée, contenant de la musique et des paroles, recevra 6,25 pour cent.
Il est important de noter que les partages sur les droits de reproduction mécanique sur les droits d’exécution publique ne s’appliquent qu’aux diffusions télévisuelles et radiophoniques, étant donné que je comprends, après avoir parlé avec le département juridique de la SACEM, que la SACEM a maintenant passé un accord avec Google, le propriétaire de YouTube, selon lequel Google paiera 3 Euros à chaque fois qu’une vidéo est vue au moins 50.000 fois sur YouTube.
Les seuls droits, qui sont librement déterminés par les parties, sont les droits de reproduction mécaniques, c’est à dire les droits perçus sur la vente de CDs, cassettes, les téléchargements internet et tout autre type de support multimédia.
En conséquence, le partage de 10 pour cent pour les arrangeurs et les adaptateurs de chansons françaises enregistrées à la SACEM, s’appliquera seulement en relation avec les droits de reproduction mécanique, étant donné que les droits d’exécution publique et les droits de reproduction mécanique sur les droits d’exécution publique sont tous deux déterminés statutairement par la SACEM, comme expliqué ci-dessus.
Il est important de noter, toutefois, que les droits de synchronisation, c’est à dire les droits dérivés de l’utilisation de chansons dans des programmes télévisuels, les publicités, la ‟home video”, les films, et tous les autres projets visuels [4], sont aussi déterminés librement par les parties et sont normalement mis au même niveau que les droits de reproduction mécanique. Les droits de synchro représentant une source potentielle de revenus très conséquente, pour les ayants-droits, voici encore un domaine dans lequel l’adaptateur-arrangeur sera perdant, puisqu’il ne peut donc prétendre qu’à 10 pour cent de ces droits de synchro.
Pour conclure sur les partages de droits, l’adaptateur-arrangeur d’une chanson française doit obtenir l’autorisation de l’auteur-compositeur et de l’éditeur de l’œuvre primaire et, en particulier, clarifier et se mettre d’accord sur le niveau des droits de reproduction mécanique et des droits de synchro, notamment en signant un contrat d’adaptation et d’arrangement avec les ayants-droits de la chanson originale.
4. Une fois que les autorisations sont obtenues, vous pouvez adapter et arranger une nouvelle version!
Une fois que vous vous êtes mis d’accord sur le niveau des droits de reproduction mécanique et de synchro, avec les ayants-droits de la chanson originale, et, si vous voulez aussi utiliser le Master de l’œuvre originale, une fois que vous avez obtenu l’autorisation du propriétaire du Master (qui est normalement le label de musique) d’utiliser ce Master pour la création de la chanson française adaptée, alors vous pouvez … commencer à travailler!
Après avoir créé de superbes adaptations et arrangements, créant une version étrangère de cette chanson française originale, vous devrez enregistrer l’œuvre dérivée tant auprès de la SACEM qu’auprès de la société de gestion collective de droits du pays dans lequel vous et votre éditeur êtes situés.
Par exemple, si un auteur-compositeur britannique adapte et arrange une version anglaise d’une chanson française, enregistrée à la SACEM, il devrait enregistrer l’adaptation anglaise tant auprès de la SACEM qu’auprès de la société de gestion de droits anglaise PRS. Sur les bulletins d’enregistrement de la SACEM et de PRS, il devra mentionner qu’il a obtenu l’autorisation de tous les ayants-droits de la chanson originale. La SACEM percevra les droits, sur l’adaptation anglaise, en France, alors que PRS collectera les droits sur la version anglaise, dans le reste du monde.
Pour conclure, je recommande fortement à un auteur-compositeur de faire une évaluation initiale des coûts/avantages des arrangements musicaux et adaptations musicales de chansons françaises enregistrées à la SACEM, avant même de commencer à travailler sur la création d’adaptations et d’arrangements.
Alors qu’elle pourrait devenir un ‟hit”, tel que ‟My way”, l’adaptation anglaise de ‟Comme d’habitude”, elle demandera beaucoup de sueur, de temps et d’énergie pour obtenir toutes les autorisations nécessaires, s’accorder sur le partage des droits de reproduction mécanique et de synchro, et pour ensuite créer des adaptations musicales de chansons françaises réussies; sachant que les récompenses financières seront maigres, dans le meilleur des cas.
Il semble juste de dire qu’il existe peu d’incitations à la création d’un ‟hit” international, en partant d’une chanson française, étant donné que l’auteur-compositeur français original et son éditeur toucheront 90 pour cent des droits mondiaux de reproduction mécanique et de synchro sur la version anglaise, alors que l’arrangeur-adaptateur anglais devra se satisfaire des 10 pour cent restant !
[4] ‟Music, Money and Success (7th edition)” par Jeff et Todd Brabeck.
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