
En coulisses, loin de faire les gros titres et les projecteurs, les actionnaires de Chanel – la famille Wertheimer – ont restructuré et réorganisé sans relâche l’activité Chanel, depuis le Brexit. Sentant une énorme opportunité fiscale, Chanel a achevé son Frexit en septembre 2022, faisant ses adieux aux stratégies et idiosyncrasies curieuses et invasives de l’administration fiscale française et des systèmes de contrôle. Le Royaume-Uni, et en particulier Londres, réaffirme sa position de paradis fiscal pour les riches et les puissants, post Brexit, tandis que la France a perdu l’un de ses joyaux de la couronne, et ne comprend même pas sa perte financière massive, aveuglée par l’offensive charmeuse de danse du ventre mise en place par le top management de Chanel en France. Comment est-ce arrivé?
1. Chanel: une genèse d’entreprise
Gabrielle Chanel, surnommée Coco Chanel, a fondé la maison de couture ‟Chanel” en 1910, à Paris, en France. Elle a été soutenue financièrement par son petit ami, l’anglais Arthur ‟Boy” Capel, via un prêt pour louer les bureaux de sa société au 21 rue Cambon à Paris. Alors qu’au départ, la maison Chanel ne vendait que des chapeaux, Coco Chanel s’est rapidement développée dans l’habillement, lorsqu’elle a ouvert sa première boutique à Deauville, en France, en 1912. En 1915, une deuxième boutique a été ouverte à Biarritz, une autre station balnéaire française.
A la fin de la première guerre mondiale, Gabrielle Chanel rembourse le prêt d’Arthur Capel et devient financièrement indépendante. Elle ouvre une troisième boutique au 31 rue Cambon, à Paris, en 1918.
Les années 20 sont une période faste pour Chanel et plusieurs nouvelles boutiques, ateliers et bureaux voient le jour, au 31 rue Cambon à Paris, puis aux numéros 25, 27 et 23 rue Cambon à Paris. Une boutique a également été ouverte à Cannes, autre station balnéaire de la Côte d’Azur.
Le parfumeur français, Ernest Beaux, a suggéré à Coco Chanel de créer son propre parfum, ‟nº5”, qui, en 1921, était vendu uniquement dans les boutiques Chanel, mais est ensuite devenu disponible dans les parfumeries du monde entier. ‟Chanel nº5” est l’un des parfums les plus vendus au monde, encore aujourd’hui.
En 1924, Gabrielle Chanel rencontre, aux hippodromes de Longchamp, Pierre et Paul Wertheimer, deux puissants frères juifs français qui possèdent entre autres les parfums Bourjois. Ensemble, ils créent la société ‟Parfums Chanel” (ou ‟Société des Parfums Chanel”), pour la fabrication du ‟Nº5” le 16 avril 1924. Cette nouvelle entreprise est soutenue financièrement par les frères Wertheimer, et l’actionnariat de ‟Parfums Chanel” appartient:
- à hauteur de 10 pour cent, à Gabrielle Chanel (en échange du transfert de propriété de son nom, via une licence, et d’une part de 2 pour cent dans le revenu annuel de la vente des parfums, soit environ USD1 million en 1947);
- à hauteur de 70 pour cent, aux Wertheimer (qui supportent tous les risques financiers), et
- à hauteur de 20 pour cent, par Théophile Bader (fondateur du grand magasin parisien, Galeries Lafayette, qui avait été le premier à présenter Coco Chanel aux Wertheimers).
En parallèle, Mme Chanel se lance dans la fabrication de produits de maquillage, et notamment d’un rouge à lèvres ‟rouge sang”, à partir de 1924.
De nombreux autres parfums voient le jour, à partir de 1924 : Ernest Beaux crée ‟Gardénia” en 1925, ‟Cuir de Russie” en 1927 et ‟Bois des îles” en 1928.
Cependant, à partir de 1928, Coco Chanel et les frères Wertheimer commencent à avoir des désaccords. Mme Chanel considérait que les Wertheimers gagnaient de l’argent ‟sur son dos” et s’est exprimée à ce sujet, faisant publiquement honte aux frères Wertheimer en les qualifiant de ‟bandits”. Elle snobe également les conseils d’administration de ‟Parfums Chanel” et, par conséquent, en 1933, ses actionnaires décident de la retirer de la direction et du conseil d’administration de leur société. En 1934, elle charge un jeune avocat, René de Chambrun, de défendre ses intérêts et de renégocier l’association à 10 pour cent qu’elle a conclue. Mais les négociations entre avocats ont échoué et les pourcentages de partenariat sont restés tels qu’établis dans l’accord commercial initial entre les Wertheimer, Bader et Chanel.
Puis, la seconde guerre mondiale a éclaté et Gabrielle Chanel a collaboré sans vergogne avec les nazis, dénonçant les frères Wertheimer comme juifs, afin de tenter de prendre le contrôle total de l’entreprise ‟Parfums Chanel”.
Suite à la déclaration de guerre en 1939, Coco Chanel ferma sa maison de couture à Paris, ne laissant ouverte que sa boutique de parfums. Elle part vivre dans le sud de la France, où elle possédait la belle villa ‟La Pausa”, mais revint à Paris l’année suivante.
Pendant la seconde guerre mondiale, les Wertheimers ont fui aux États-Unis. Gabrielle Chanel a attiré l’attention du gouvernement collaborationniste français de Pétain, sur le fait que les sociétés Bourjois et ‟Parfums Chanel” avaient des actionnaires majoritaires juifs, utilisant les lois contre les juifs et les étrangers sous le régime de Vichy. Mais les frères Wertheimer avaient transféré leur participation dans ‟Parfums Chanel” et ‟Bourjois” entre les mains d’un ami de confiance et non juif (Félix Amiot), agissant comme mandataire, de sorte que les tentatives de Coco Chanel de reprendre l’actionnariat de tous les autres actionnaires de ‟Parfums Chanel” ont échouées.
A la fin de la seconde guerre mondiale, les Wertheimer récupèrent leurs actionnaires dans ‟Parfums Chanel” et ‟Bourjois”. La ‟guerre” avec Coco Chanel se poursuit jusqu’en 1948, date à laquelle les parties règlent leur différend en renégociant le contrat de 1924 qui avait créé ‟Parfums Chanel”: Gabrielle Chanel obtient sa part du chiffre d’affaires de ‟Parfums Chanel” en 1948 (soit USD400.000) en espèces (bénéfices de guerre sur les ventes du parfum ‟Nº5”), une redevance courante de 2 pour cent sur les ventes du ‟Nº5” et de parfumerie, et une allocation mensuelle perpétuelle qui payait toutes ses dépenses. En échange, Gabrielle Chanel cède à ‟Parfums Chanel” l’intégralité des droits sur son nom ‟Coco Chanel”.
Coco Chanel décide de vendre l’activité haute couture à ‟Parfums Chanel” en 1954 (suite à sa tentative avortée de retourner dans le monde de la mode, après la seconde guerre mondiale), tout en en gardant la direction et la gestion jusqu’à sa mort en 1971. Pour la remplacer, Karl Lagerfeld devient directeur artistique de Chanel en 1983, redynamisant l’activité haute couture en déclin et créant sa ligne de prêt-à-porter. En 2019, à la mort de M. Lagerfeld, Virginie Viard, qui avait travaillé avec lui dans la maison pendant plus de 30 ans, devient la nouvelle directrice artistique de Chanel.
Suite à cette acquisition de l’activité haute couture par ‟Parfums Chanel” précitée, la société prend la nouvelle dénomination ‟Chanel SA” (Chanel Société Anonyme) et s‘inscrit au greffe du registre du tribunal de commerce de Nanterre, le 27 août 1954.
En 1954, date de réouverture de la maison de couture, la parfumerie située rue Cambon est réaménagée. Le parfumeur Henri Robert prend le relais: la première eau de toilette pour homme, ‟Pour Monsieur”, est lancée en 1955. Puis, Jacques Polge devient le nez de Chanel, en 1978, et ‟Egoiste Platinium” est lancé en 1993, puis ‟Allure” en 1996, puis ‟Coco Mademoiselle” en 2001, puis ‟Chance” en 2003, puis ‟Bleu de Chanel” en 2010. En 2014, le fils de Jacques Polge, Olivier, le rejoint, afin de lui succéder en tant que parfumeur de la maison. En février 2015, Olivier Polge devient le nouveau nez de Chanel, à 40 ans.
Pendant ce temps, Paul Wertheimer décède peu après la seconde guerre mondiale et son frère, Pierre, rachète sa participation dans Bourjois et ‟Les Parfums Chanel”. A la mort de Pierre Wertheimer, en 1965, son fils unique, Jacques, âgé de 56 ans, prend la direction du groupe. Cependant, ce n’était pas un bon choix et Jacques fut évincé en 1974 et remplacé par son fils, plus capable, Alain Wertheimer.
La mère d’Alain, Eliane Fischer, divorcée de Jacques (avec qui elle avait eu Alain et Gérard), devint avocate d’affaires au sein du cabinet d’avocats Samuel Pisar à Paris. M. Pisar et Mme Fischer ont activement conseillé Alain lorsqu’il a pris la direction du groupe, et plus particulièrement de Chanel SA, en 1974. Ensuite, Mme Fischer a fondé le cabinet d’avocats Salans (aujourd’hui Dentons) en 1978, et est devenu l’avocat conseil de longue date de Chanel.
Ainsi Alain, avec son frère Gérard Wertheimer, devient propriétaire de Chanel SA, des cosmétiques Bourjois, de la marque d’armes de chasse ‟Holland & Holland” (rachetée par Chanel SA en 1996), de la marque de maillots de bain ‟Eres” (rachetée par Chanel SA en 1996 aussi) et la maison d’édition ‟La Martinière”. Les frères Wertheimer, dont le patrimoine était classé numéro deux en France en 2018, avec USD40 milliards, possèdent également les domaines viticoles Château Rauzan Ségla, à Margaux, et Château Canon, à Saint-Emilion.
Le 24 décembre 1998, ‟Chanel Société Anonyme” a été transformée en ‟Chanel Société par Actions Simplifiée” (‟Chanel SAS”), qui est un type de sociétés françaises plus flexible que les ‟sociétés anonymes”.
2. Chanel: un récent changement de structure d’entreprise qui place le Royaume-Uni sur la carte, après le Brexit
Alain Wertheimer a incorporé ‟Chanel International B.V.” en 1979, en tant que société holding financière basée aux Pays-Bas contrôlant Chanel SA et environ 90 filiales.
Une société holding est une société dont l’activité principale est de détenir une participation majoritaire dans les titres d’autres sociétés. Une société holding ne produit généralement pas elle-même des biens ou des services. Son but est de détenir des actions d’autres sociétés pour former un groupe de sociétés.
Bien que l’organigramme du groupe Chanel soit extrêmement opaque, je comprends que ‟Chanel International B.V.” était toujours la holding financière ultime du groupe Chanel, jusqu’à récemment. Le groupe Chanel est toujours privé (c’est-à-dire non coté en bourse). L’entité néerlandaise détenait les filiales du groupe dans le monde et consolidait ses comptes. Les principales filiales de ‟Chanel International B.V.” étaient, via un nuage de sociétés écrans, telles que ‟Mousse Investments Limited” immatriculée aux îles Caïmans:
- Chanel SAS, une société privée par actions, constituée en France le 16 avril 1924 (et transformée en ‟SAS” le 24 décembre 1998), détenue par un actionnaire unique dont le nom est tenu secret tant par la direction de Chanel que par le gouvernement français(!), dont l’actuel président est Bruno Pavlovsky, et dont l’actuel directeur général et directeur financier est Luc Dony, et
- ‟Chanel Limited”, une ‟private company limited by shares” (société privée à responsabilité limitée par actions), constituée à Londres, au Royaume-Uni, le 6 février 1925 (et renommée de ‟Parfums Chanel Limited” à ‟Chanel Limited” le 28 novembre 1957), détenue à 100 pour cent par ‟Mousse Investments Limited”, l’unique actionnaire, dont l’actuel président exécutif mondial est Alain Wertheimer et l’actuel PDG mondial est Leena Nair.
Comme indiqué dans les comptes annuels 2021 de Chanel SAS, le groupe d’intégration fiscale en place dont Chanel SAS était également la société mère a été dissous au 1er janvier 2021. Un nouveau groupe d’intégration fiscale a été constitué, à partir du 1er janvier 2021, préservant Chanel SAS comme sa société principale.
Il est précisé, dans les comptes annuels 2021 de Chanel SAS, que, selon l’agrément d’intégration, la société mère est seule bénéficiaire du crédit d’impôt sur les sociétés et des crédits de cotisations additionnelles, résultant de l’application des règles du régime fiscal de groupe, et est la seule société redevable de ces impôts. Les sociétés membres du groupe d’intégration sont toutefois solidairement redevables de ces impôts, dans la limite du montant qui serait dû par chacune d’elles si elles n’avaient pas opté pour le régime fiscal de groupe. Chaque société membre du groupe d’intégration est tenue de verser à Chanel SAS, au titre de sa participation à l’impôt sur les sociétés dû par cette dernière, une somme égale à l’impôt sur les sociétés qui aurait été déduit de son chiffre d’affaires, s’il avait été imposé séparément.
Il est en outre précisé, dans les comptes annuels 2021 de Chanel SAS, que l’administration fiscale française a procédé à un contrôle fiscal sur ses résultats des exercices fiscaux 2016, 2017 et 2018, et que Chanel SAS a dû payer des impôts supplémentaires au fisc français pour l’exercice d’imposition 2016, alors qu’il contestait encore l’issue des contrôles fiscaux pour les exercices d’imposition 2017 et 2018.
Enfin, il est mentionné, dans les comptes annuels 2021 de Chanel SAS, que la société britannique ‟Chanel Limited” est l’entité consolidante du groupe, dont Chanel SAS fait partie, en tant que filiale.
En effet, dans les comptes annuels 2021 de ‟Chanel Limited”, sont présentés les états financiers consolidés, qui comprennent les résultats financiers de ‟Chanel Limited” et de ses filiales (dont Chanel SAS). ‟Les filiales incluses dans la consolidation sont toutes les entités sur lesquelles le Groupe (c’est-à-dire ‟Chanel Limited” et ses filiales) exerce un contrôle. Le Groupe contrôle une entité lorsqu’il est exposé, ou a droit, à des rendements variables du fait de son implication dans l’entité et a la capacité d’influer sur ces rendements du fait de son pouvoir sur l’entité. Le concept de contrôle implique généralement de détenir plus de la moitié des droits de vote d’une entité, bien que ce ne soit pas une exigence pour démontrer le pouvoir sur une entité. L’existence et l’effet de droits de vote potentiels exerçables ou convertibles sont pris en compte dans l’appréciation du contrôle”.
Ensuite, dans les notes aux comptes consolidés 2021 de ‟Chanel Limited”, il est précisé qu’en ce qui concerne la société mère ultime, ‟les comptes consolidés de Chanel Limited et de ses filiales représentent le groupe le plus important dont les comptes les déclarations de Chanel Limited et de ses filiales sont consolidées et accessibles au public. La société mère immédiate et ultime de Chanel Limited et de ses filiales est ‟Litor Limited” (désormais renommée ‟Mousse Investments Limited”), une société constituée et enregistrée aux îles Caïmans”.
Alors pourquoi Chanel a-t-il déplacé le contrôle et le pouvoir financier de son groupe, loin de la France, vers le Royaume-Uni et, finalement, vers les îles Caïmans?
Parce que la France et son administration fiscale sont trop curieuses et exigeantes, avec leurs enquêtes et contrôles fiscaux constants, qui impliquent que Chanel doit en permanence rembourser des impôts et des pénalités, liés aux résultats de ses années d’imposition précédentes.
Le Royaume-Uni, après le Brexit, est devenu un paradis fiscal, où des groupes d’entreprises prospères et des particuliers fortunés peuvent dissimuler l’actionnariat exact de leurs sociétés holding et filiales opérationnelles, ainsi que la propriété exacte de leurs actifs, via une multitude de sociétés écrans généralement immatriculées dans des paradis fiscaux comme les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, les Bermudes, Jersey, Guernesey et l’île de Man.
En outre, les autorités fiscales britanniques sont beaucoup moins contrôlantes et invasives que l’administration fiscale française, et de loin. En consolidant ses comptes au sein de son entité britannique, ‟Chanel Limited”, et en protégeant ses revenus consolidés mondiaux au Royaume-Uni, l’entreprise Chanel s’assure que toute la microgestion constante de l’état français est neutralisée. De plus, le taux d’imposition des sociétés est inférieur au Royaume-Uni par rapport à la France, et dans son rapport annuel 2021, ‟Chanel Limited” a indiqué que son taux d’imposition effectif était passé de 28 pour cent l’année précédente, à 25,70 pour cent.
Par ailleurs, la direction de Chanel est répartie entre New York (où se trouve Alain Wertheimer, au 40e étage de la tour Chanel, située au 9 West 57th Street), Cologny en Suisse (la banlieue dorée de Genève où se trouve l’actionnaire tacite Gérard Wertheimer), Londres (où est basée la nouvelle PDG mondiale de Chanel, la citoyenne britannique Leena Nair) et Paris (où Bruno Pavlovsky est basé). Il est donc logique que Londres – une place anglophone – soit le centre de contrôle de Chanel, en raison de son accès facile en avion et en train et de sa culture cosmopolite, lorsque la direction doit se réunir pour les réunions du conseil d’administration.
A propos du conseil d’administration de ‟Chanel Limited”, en plus de Leena Nair, Chanel a également nommé à son conseil d’administration l’entrepreneure Martha Fox Lane, qui a été conseillère numérique de David Cameron lorsqu’il était premier ministre britannique et qui siège également à la Chambre des Lords et au conseil d’administration de Twitter. Alex Mahon, qui préside la chaîne publique britannique Channel 4, a également rejoint le conseil d’administration de ‟Chanel Limited”.
Ce transfert de pouvoir et de contrôle vers Londres est en cours depuis de nombreuses années: aprés le Brexit, en 2018, les frères Wertheimer ont commencé à transférer une partie du personnel de Chanel (dans les divisions juridique, RH et financière) de New York à Londres, au siège social de ‟Chanel Limited”, invoquant la nécessité de ‟simplifier et rationaliser la structure de l’entreprise”.
En septembre 2022, le long processus de restructuration s’achève avec la nomination d’Alain Wertheimer à la tête du conseil d’administration de ‟Chanel Limited”, devenue la maison-mère du groupe, contrôlant l’ensemble des filiales mondiales de Chanel et dont les résultats financiers consolident l’ensemble de ses comptes. ‟La décision de faire de ‟Chanel Limited” la holding opérationnelle, commune à toutes les sociétés Chanel, a été prise en 2018, dans le but de simplifier et de moderniser l’organisation administrative et juridique de Chanel, ainsi que son centre de décision qui se trouvait à New York” .
Ainsi, la holding financière basée aux Pays-Bas, ‟Chanel International B.V.”, est aujourd’hui moins importante, puisque tous les intérêts financiers sont désormais concentrés dans ‟Chanel Limited”, la holding d’exploitation, ainsi que son actionnaire unique, ‟Mousse Investments Limited” (anciennement dénommée ‟Litor Limited”), la société holding familiale des Wertheimer basée aux îles Caïmans. Le ‟family office” qui gère la participation des Wertheimers dans Chanel, ‟Mousse Partners”, est basé aux Bermudes, un autre territoire de la Couronne britannique. Les îles Caïmans et les Bermudes figuraient toutes deux sur la liste des pays fiscalement non coopératifs de l’Union européenne (‟UE”) jusqu’en 2020.
En 2019, alors que les îles Caïmans figuraient encore sur la liste noire de l’UE, Chanel Limited a versé des dividendes de USD1,6 milliard à sa société mère ‟Mousse Investments Limited”. En 2021, ces dividendes ont atteint USD4,98 milliards. Au cours de la même période, la structure financière des frères Wertheimer a prêté USD382 millions à ‟Chanel Limited”, qui a remboursé le prêt en janvier 2021.
Bien sûr, le fisc français n’a pas apprécié que Chanel fasse un Frexit, mais Bruno Pavlovsky de Chanel et Chanel SAS ont mené une offensive de charme efficace, notamment auprès du président français Emmanuel Macron et de ses sbires. M. Pavlovsky siège au conseil d’administration de prestigieuses institutions françaises du luxe, telles que le Comité Colbert et la Fédération de la haute couture et de la mode, qu’il préside. Il centralise et coordonne les relations entre Chanel et l’état français. Le 20 janvier 2022, M. Pavlovsky a inauguré avec M. Macron et son épouse l’immeuble 19M, situé aux confins du 19e arrondissement et de la banlieue pauvre d’Aubervilliers. 19M abrite 11 artisans spécialisés, dont la majorité travaille pour la haute couture de Chanel.
Sur le plan opérationnel, le groupe a largement bénéficié des opportunités de financement du gouvernement britannique pour les entreprises pendant la pandémie de Covid-19. Elle a reçu 600 millions de livres sterling (694 millions d’euros) des programmes de soutien de la Banque d’Angleterre et du Trésor, en 2020. Ces prêts à court terme ont depuis été remboursés par ‟Chanel Limited”.
Cette restructuration et réorganisation vers Londres est stratégique, car elle précède l’inévitable passation de pouvoir entre Alain et Gérard Wertheimer, aujourd’hui respectivement âgés de 74 et 71 ans, et la quatrième génération de la famille de l’actionnaire. Les enfants de Gérard, Olivia et David Wertheimer, se sont peu intéressés à l’entreprise, tandis que les trois rejetons d’Alain, et notamment Nathaniel, s’y sont intéressés de plus près. La relève de la garde aura lieu entre Londres et les deux dépendances de la Couronne britannique qui abritent les propriétés de la famille Wertheimer, les Bermudes et les Caïmans, et loin de la France.
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